En plein milieu de mon séjour à Shanghaï, j’avais prévu de partir à l’assaut de Huangshan, la fameuse montagne jaune, dont mes amis m’avaient dit beaucoup de bien.

Ce massif montagneux se situe dans l’Anhui méridional, une province de l’est de la Chine, à environ 500 kilomètres de Shanghaï.

C’est un endroit très touristique en Chine et on estime à plus d’un million le nombre de visiteurs annuel. Lors de mon passage, c’était parfois encombré dans les premières portions de la montagne (pas un seul occidental !). Heureusement, à deux ou trois semaines près, j’ai évité les vacances chinoises et donc la cohue infernale…

Une fois n’est pas coutume, mon aventure à Huangshan compte son lot d’anecdotes…que je m’en vais vous conter aujourd’hui…et vous faire découvrir en vidéo !

Tout commence mi-octobre lorsque je quitte Shanghaï de bon matin, prêt à encaisser mes 6 heures de car (une broutille, je pense que je suis vacciné à vie contre les long trajets). Une fois acquitté de 180 Yuan (environ 18 euros pour le trajet A/R Shanghaï – Huangshan), j’étais donc dans le bus direction les montagnes !

A l’arrivée dans la vallée, la température a déjà changé, il fait clairement plus frais. Me voilà à des années lumières de la folie urbaine de Shanghaï.

Malheureusement, ce n’est pas vraiment le calme absolu et les bus à touristes klaxonnent en permanence de façon très bruyante. Il me faudra visiblement attendre d’atteindre les cimes pour aspirer à un peu de sérénité.

Arrivant en fin d’après midi, j’avais logiquement prévu de passer la première nuit en bas de la montagne. Alors que je m’attendais à devoir payer une « fortune » (tout est relatif en Chine) pour dormir dans cette région très touristique, je suis abordé par un homme sympathique parlant parfaitement anglais et me proposant un hébergement « cheap« . Dans ce genre de situation, il en faut peu pour commencer à se méfier et chercher l’arnaque. C’est malheureusement un fait, l’étiquette « touriste occidental » colle très souvent avec celle de « riche qui a les moyens de tout« . Ce qui n’est pas faux en soit au vu du salaire chinois moyen par exemple, mais qui s’avère complètement décalé sur place : les chinois qui ont les moyens de payer l’accès au site de Huangshan sont loin d’être les plus pauvres ! Quelques minutes plus tard, je décide quand même de le suivre: mon niveau de Chinois me permettant juste d’acheter quelques bricoles et de compter jusqu’à 10, il me parait difficile de négocier un lit pour la nuit sans son aide.

Et là, c’est la surprise. Mr Cheng (c’est le nom de notre chinois sympathique) m’entraîne dans un petit hôtel qui ne paye pas de mine mais qui a le mérite de me proposer la nuit à 80 Yuan ! C’est imbattable dans ce repère à touristes et mes amis résidant à Shanghaï seront même surpris lorsque je le leur ferai part de la découverte.

En prime, je me trouve juste devant la « station » de bus, bus qu’il me faudra prendre le lendemain pour rejoindre le vrai pied de la montagne. Que demande le peuple ?

Mr Cheng semble décidément être quelqu’un de bien, et si je ne suis pas naïf sur l’existence d’une commission qu’il a touché pour nous avoir dirigé dans l’hôtel, il souhaite seulement que je vienne manger dans son restaurant à l’occasion. Banco : j’ai une faim terrible, et j’ai besoin d’informations sur les chemins à emprunter dans la montagne. Je mangerai alors dans son tout petit restaurant. Sa femme en cuisine me préparera des bons petits plats pour trois fois rien.

Après une nuit passée au milieu des cafards et dans un froid glacial (il fallait bien justifier un prix si peu élevé !), le réveil me sort du lit à 5 heures du matin. Je fais rapidement mon inventaire, et prendrai une décision que je payerai cher par la suite : m’équiper d’un sac d’une quinzaine de kilos. Une certaine forme de masochisme en fait.

Au début, lorsque je faisais encore le malin

Ce qui devait être au départ un challenge physique (je ne me suis servis que d’un quart de ce que j’ai pris avec moi) s’est au fil des jours transformé en une véritable lutte contre moi-même, un vrai calvaire sur la fin. Clairement, je crois n’avoir jamais effectué quelque chose d’aussi physique de toute ma vie.

Beaucoup plus physique encore que notre trek népalais. Ultra psychologique car à certains moments, car chaque marche franchie demandait une motivation supplémentaire.

La batterie de la caméra s’étant vidée 6 heures avant de rentrer, il est malheureusement impossible de vous montrer dans quel état j’étais au bout de 3 jours…Au bout du bout (mais alors vraiment du bout !) du rouleau !

Dès le départ, c’est à dire une fois que vous êtes en bas de la montagne et que vous avez réglé le droit d’entrée (200 Yuan Quand je vous dis que c’est un budget !), sachez qu’il existe deux possibilités : le téléphérique (comptez encore 65 Yuan de plus) ou la méthode radicale : les marches !

A ce moment là, je suis tout frais, et je ne songe même pas à m’économiser pour les jours suivants, ça sera donc les marches.Un peu partout, les gens me regardent comme un extra-terrestre, dans un esprit très bon enfant. C’est le jeu du « Je te souris, tu me souris » habituel en Chine. J’aurais tellement aimé comprendre le chinois pour savoir ce qu’ils disaient dans mon dos ! Ca m’aurait sûrement fait beaucoup rire.

De toute façon, j’ai choisi les passages les plus difficiles, il n’y aura donc vraiment pas foule, hors mis à proximité des points de restauration. Mais c’est cette même solitude qui finira par me jouer des tours par la suite…

En effet, après deux jours de marche et lorsque je m’apprête à redescendre de la montagne, je réalise que j’ai perdu ce qui me restait d’argent, soit l’équivalent d’une vingtaine d’euros. Mon petit porte-monnaie étant sûrement tombé de ma poche : les chinois ne sont pas des voleurs, je refuse de croire à la théorie du vol à l’hostel.

Rajoutez à cela 3 heures de sommeil, une ascension nocturne du Purple Cloud Peak (c’était d’ailleurs la deuxième fois seulement que je me servait de la lampe frontale pour marcher la nuit, après l’ascension au Canada du Mont Royal de nuit), et un lever de soleil vécu dans le froid le plus total, vous comprendrez alors qu’il fallait une sacrée volonté pour continuer.

L’erreur est humaine et je réalise cependant que je suis peut-être allé un peu loin : je n’ai plus d’eau, je ne mangerai pas de la journée. Il est 6 heures du matin, et il me reste environ 10 heures de marche. Le soleil tape fort et je suis content d’avoir pensé à ma casquette.

J’ai prévu de faire la grande boucle que l’on m’a déconseillé, à moins de marcher vite, et une fois tout en bas du fameux Grand Canyon (qui est absolument magique), impossible de reculer ! Il faut même ne pas trainer pour ne pas se faire prendre par la nuit.La plus belle anecdote de ce trip montagneux interviendra lorsque vraiment mes forces commençaient à m’abandonner…Alors que je viens de terminer une montée de près de 2 heures et demi , je supplie un chinois de me laisser boire une gorgée d’eau. Je suis totalement déshydraté, en hypoglycémie, je n’ai pas bu une goûte d’eau depuis des heures, pas mangé depuis plus de 12 heures : je me sens limite tomber dans les pommes et j’implore cet homme de me laisser boire une ou deux gorgées.

Il va alors se passer quelque chose de magique. Alors que je lui rend la bouteille avec une infinie gratitude, il me fait signe de continuer à boire, et m’offre donc la bouteille qu’il venait d’acheter, avec un grand sourire mêlé à une douce compréhension.

Lui et ses amis se moquent gentillement de moi, mais je crois n’avoir jamais été aussi heureux de subir cela. Je prend cet homme dans mes bras, le remercie très chaleureusement.

Mais voilà, je ne peut résoudre le problème avec un litre d’eau, il me faut donc terminer ma redescente le plus rapidement possible, sous peine de vraiment m’écrouler. Je voulais tester mes limites, je les ai largement franchi.

Les derniers instants sont terribles, je suis au bout nerveusement, j’ai envie de pleurer tellement ça devient dur. Mes jambes, mon dos, mes épaules sont en compote. J’ai mis mon cerveau en pause, je suis devenu une machine à marcher sans réfléchir. Cette fois, j’ai du mal à rendre les sourire qu’on me donne, j’ai le regard hagard, la douleur et l’extrême fatigue se lisent sur mon visage.

Impossible de vous décrire la joie immense lorsque je retrouve Mr Cheng dans la vallée. Tel un parfait secouriste, il me prépare un bon kilo de noodle, que je fais passer avec quelques litres d’eau bien mérités…C’est la délivrance.

Je n’ai plus d’argent mais Mr Cheng accepte de me faire crédit. Je m’engage à lui faire un virement dès mon retour à Shanghaï. Cet homme est décidement une personne en or. Nous nous quitterons le 21 Octobre, la veille de mon anniversaire.

Pour en revenir à Huangshan, je crois avoir été profondément marqué par la beauté de l’endroit. Si la région est réputé pour cela, les pics de granite sur lequels reposent tous ces conifères méritent réellement le coup d’oeil…

Voilà selon moi les pics et les endroits qu’il vous faudra absolument voir de près : Turtle Peak, Lotus Peak, Begin to Believe Peak, Western Canyon (incroyable canyon, mais attention, une fois descendu en bas, la montée est très rude !), Grand Canyon of the West Sea, Celestial Capital Peak (attention danger !) et enfin, le Purple Cloud Peak réputé pour le lever de soleil : il n’est pas indiqué sur la carte mais le chemin qui y monte se trouve entre le Xihai Hotel et le Cloud Dispelling Pavillon.

L’entrée du Western Canyon

La carte de la vallée est disponible ici.

Ce que j’ai vraiment aimé à Huangshan, c’est également l’aspect aventure de l’endroit. Méfiance cependant, car il faut dire que certaines parties peuvent être vraiment dangereuses, il y a quand même des morts chaque année, et il vous faudra quand même faire très attention ou vous mettez les pieds. A éviter à tout prix si vous avez le vertige (je n’en souffre pas pour ma part mais ne faisais pas le malin par endroits).

La vidéo suivante vous donnera un aperçu de ce que j’ai vécu de plus extrême.

 

 

En dessous des planches, c’est le précipice. Imaginez moi avec 15 kilos sur le dos à la place de l’homme en question. J’avoue avoir un peu « déconné » en repoussant les limites, mais quels souvenirs…

Voilà. En gros, « si tu as fait Huangshan, alors tu es un homme« . La preuve en images !